Des grands évènements sportifs au parrainage du club de rugby local, des festivals de musiques les plus réputés aux festivités de village, des missions nationales de préservation du patrimoine aux initiatives culturelles les plus confidentielles, les opérations de parrainage et de mécénat prennent des formes aussi diverses que variées. Quel que soit leur niveau, les sollicitations à ce titre sont croissantes. Si elles peuvent rentrer dans la politique RSE des groupes qui y accèdent, elles font néanmoins courir des risques. Tour d’horizon des pratiques de nos membres sur le sujet.
Contexte
L’actualité démontre le recours de plus en plus courant des associations, collectivités publiques et organisations parapubliques, aux demandes de parrainage et de mécénat. Les deux opérations sont pourtant distinctes.
Tandis que le parrainage possède une dimension publicitaire et consiste en un soutien matériel dans le but, pour l’entreprise, d’en retirer un bénéfice, le mécénat est un don sans contrepartie « équivalente » à un organisme d’intérêt général. Dès lors leur régime fiscal diffère : charge déductible pour l’un, don ouvrant droit à réduction d’impôt pour l’autre.
Dans les deux cas, dans un contexte de raréfaction des financements publics, de nombreux acteurs se tournent désormais vers les entreprises pour subvenir à une partie de leur besoin et leur assurer une viabilité.
Les collectivités publiques y ont de plus en plus recours notamment pour des actions de préservation du patrimoine, certains festivals de musique ne peuvent plus s’en passer pour exister, même l’organisation de grands évènements sportifs comme les JO en est tributaire.
En ce qui concerne les actions de mécénat, 69% des français considèrent les entreprises comme légitimes pour soutenir des actions en faveur de l’intérêt général et 64% les trouvent efficaces.
De réels risques
Bien que les opérations de parrainage et de mécénat puissent participer et alimenter la politique RSE des entreprises, elles n’en demeurent pas moins des sources de risques éthiques.
L’Agence Française Anticorruption (AFA) ne s’y est pas trompée et a publié un projet de guide dédié au sujet[1].
Corruption, favoritisme, prise illégale d’intérêt, cadeaux et invitations somptuaires, les opérations de parrainage et de mécénat peuvent être utilisées comme des montages afin de rémunérer de manière indirecte et discrète, l’octroi d’un avantage indu – par exemple l’octroi d’un marché. Aussi elle mérite une attention renforcée de la part des professionnels en charge de l’E&C.
Plus largement, les sollicitations pour de telles opérations font naître des risques de réputation importante de la mesure où les actions et les valeurs affichées par les organisations accompagnées peuvent entrer en contradiction avec les celles mises en avant par l’entreprise. Les nombreux scandales ayant touché le monde du sport récemment – des affaires de harcèlement sexuel à celles d’atteinte aux droits humains en passant par l’impact environnemental de certains évènements – font courir le risque d’impacts négatifs par contagion pour les entreprises sponsors.
Même en matière de mécénat, le fait que ces opérations soient associées à des avantages fiscaux peut ouvrir de vives controverses[2].
Une gouvernance et une stratégie unifiée
Dans ce contexte, et bien qu’en entreprise les opérations soient souvent sous la responsabilité différente, il convient d’établir une stratégie globale de parrainage et de mécénat qui soit conforme à la politique d’éthique et de RSE du groupe, qui vise à soutenir des initiatives respectueuses de l’environnement, des personnes et des droits humains et alignées, le cas échéant, avec les valeurs de l’entreprise.
L’existence d’une stratégie globale clairement définie semble constituer l’une des meilleures « lignes de défense » pour l’entreprise qui peut alors argumenter de manière rationnelle et objective sur les décisions de choix et de refus des projets et partenaires.
Cela s’accompagne très régulièrement d’une gouvernance unifiée, organisée autour d’un Comité central de sélection composé de diverses expertises. Ce fonctionnement, d’allure rigide, permet une homogénéité de la politique de mécénat et parrainage et une meilleure maîtrise des risques. Pour autant, il peut être envisagé de répliquer cette initiative à des échelles plus locales pour les opérations de plus petit montant.
De manière plus générale, il est nécessaire de toujours veiller au respect du principe de collégialité de la décision. Ainsi, en plus d’assurer une diversité des profils et des expertises au sein de leur comité de sélection, certaines entreprises intègrent également des personnalités extérieures, qui peuvent renforcer la neutralité de la décision.
Plus encore, certaines entreprises décident également d’organiser des votes auprès de leurs collaborateurs pour désigner les projets dignes, selon eux, d’être parrainés ou mécénés.
Des exigences de contrôle renforcées
Il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire pour les équipes E&C de réaliser des dues diligence sur les projets potentiellement éligibles au parrainage ou au mécénat. Celles-ci se superposent à l’envoi d’un questionnaire auprès de l’organisation cible et d’une analyse de la compatibilité du projet avec la politique éthique et RSE du groupe.
Il convient en outre de lever tout conflit d’intérêt potentiel en faisant systématiquement signer des clauses aux personnes représentantes de l’organisation parrainée comme aux personnes membres du comité de sélection.
Enfin, de plus en plus d’entreprise se concentrent sur le contrôle de l’usage des fonds et exigent des porteurs de projets des rapports d’utilisation des fonds à échéance régulière. Certaines entreprises vont même jusqu’à se réserver le droit d’auditer les organisations bénéficiaires et à réaliser des visites terrains de manière régulière.
Contre toute attente, ces visites sont souvent reçues de façon positive par le bénéficiaire qui y perçoit l’intérêt de l’entreprise pour le projet accompagné. Néanmoins il apparait comme une bonne pratique de prévoir ces modalités dans la convention qui lie les deux entités.
Pourtant, ces mesures mises en place par les entreprises ne saurait remplacer une véritable éthique des organisations – associatives, publiques et parapubliques – prévue en partie par la loi, mais qui reste encore à déployer.
[1] Téléchargeable ici : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/projet%20de%20guide%20AFA%20parrainage%20et%20m%C3%A9c%C3%A9nat.pdf
[2] Voir par exemple : https://www.challenges.fr/economie/la-cour-des-comptes-epingle-la-fondation-louis-vuitton_628424
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