Avril 2023 – En décembre dernier, le Cercle d’Éthique des Affaires publiait son cahier des tendances pour l’année 2023. Analyse, par le prisme de la réflexion éthique des trajectoires socioéconomiques qui s’ouvrent, leurs conditions et leurs limites, le dossier relevait comme une tendance structurante la recherche de sens au travail, de plus en plus systématique de la part des salariés.
Un niveau de démission toujours haut
Ce constat s’appuyait alors sur le taux très élevé de démission connu aux Etats-Unis sous le nom de « Grande démission » et sur les chiffres français, eux aussi, importants bien que non comparables, selon la Dares (direction de l’animation de la recherche et des statistiques dépendant du ministère du Travail).
Cette tendance continue d’être observée fin 2022 (le cahier des tendances se basait sur les premiers semestres seulement). La Dares note dans un bulletin d’avril 2023 « que les démissions de CDI atteignent des dans tous les secteurs des niveaux nettement supérieurs à ceux observés avant crise » sanitaire[1].
Ces comportements seraient notamment permis par les difficultés éprouvées par les entreprises à recruter qui renforcent le pouvoir de négociation et la capacité des salariés à vite retrouver un nouvel emploi. 81% des entreprises dans le bâtiment déclarent rencontrer des difficultés à recruter en juillet 2022. Elles étaient 67% dans l’industrie manufacturière et 59% dans les services.
Le « conscious quitting »
A l’instar des appels, très largement médiatisés, à « bifurquer » voire à « déserter » des emplois « destructeurs », lancés par des étudiants d’écoles prestigieuses françaises en 2022, la dimension politique et citoyenne de l’emploi semble aujourd’hui plus que jamais mise en avant.
Ce constat ne semble pas réservé à la France. Une étude parue en février 2023 et commandée par l’ancien PDG d’Unilever, Paul Polman, tend à le démontrer.
Les salariés américains et britanniques sont des citoyens inquiets à propos du futur de la planète et de la société (66% aux US et 69% en Grande-Bretagne). Dans ce contexte, la grande majorité – 66% des britanniques et 76% des américains – souhaitant travailler pour des entreprises ayant un impact positif sur le monde.
Plus encore, 51% des répondants américains et 45% des répondants britanniques affirment qu’ils envisageraient de quitter leur employeur si les valeurs de l’entreprise ne correspondent pas aux leurs. 35% aux Etats-Unis comme en Grande Bretagne déclarent d’ailleurs l’avoir déjà fait ! Il n’en fallait pas plus pour que Paul Polman propose le terme de « conscious quiting » !
Et en France alors ?
Hasard du calendrier une étude publiée le mars 20 mars 2023 par l’Observatoire de l’innovation responsable permet de lettre en balance ces chiffres avec des résultats pour la France[2]… Et les chiffres semblent aller dans le même sens !
Ainsi, 92% des français considèrent que la responsabilité sociétale doit être un sujet important pour les entreprises. Soit un quasi-consensus ! A titre de comparaison, à une question légèrement différente, 77% des britanniques et 78% des américains répondent que les entreprises devrait assumer une responsabilité pour leur impact sur ses parties prenantes, mais également, plus largement, sur le monde.
A ce titre, les français sont 7 sur 10 à affirmer que l’action des entreprises est insuffisante dans le domaine. Trop critiques les français ? Les ordres de grandeur sont similaires aux Etats-Unis : 62% des répondants affirment la même chose et en Grande Bretagne : 68%.
Si les français ne sont que 24% à affirmer qu’ils pourraient quitter leur entreprise parce que celle-ci ne s’implique pas assez en matière de RSE, ils sont en revanche 75% à intégrer ce critère dans le choix d’un employeur ! Bien que ces chiffres concernent l’ensemble des salariés quel que soit leur niveau d’étude et leur âge, ces sujets apparaissent encore plus prioritaires chez les moins de 25 ans et chez les cadres.
[1] Voir : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/dans-quels-secteurs-les-demissions-de-cdi-augmentent-elles-le-plus
[2] Voir : http://www.odoxa.fr/sondage/la-rse-un-concept-encore-peu-connu-faute-dengagement-suffisant-des-entreprises-francaises/
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