Pour lutter contre la corruption et les trafics d’influence, l’article 17-II loi Sapin II impose aux entreprises de mettre en œuvre « des procédures comptables destinées à s’assurer que les livres ne sont pas utilisés pour masquer des faits » répréhensibles. A celles-ci s’ajoutent de nombreux contrôles internes visant à s’assurer de l’efficacité des procédures anti-corruption. Ensembles, ils constituent un pilier majeur de tout programme de conformité auquel les autorités de contrôle sont particulièrement vigilantes. Tour d’horizon des échanges tenus par les professionnels de l’E&C lors du dernier atelier pratique dédié à ce sujet.

 

 

 

 

 

 

 

Contrôles internes et comptables : une priorité

Alors que les plus grandes entreprises gagnent en maturité sur le sujet de la lutte anti-corruption, l’heure semble arrivée de s’assurer que les engagements affichés – via les codes de conduite et chartes éthiques – et les procédures arrêtées sont belles et bien appliquées et suivies d’effet.

Pour ce faire, il semble nécessaire de déployer une politique de contrôle interne qui vise notamment à mesurer l’efficacité et le respect des mesures anti-corruption, et des procédures comptables qui permettent, comme l’enjoint la loi Sapin II, à s’assurer que « les livres ne soient pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence. »

Il est entendu que ces contrôles, seuls, ne peuvent suffire à juguler des pratiques endémiques de corruption. Toujours susceptibles d’être manipulés, ils constituent néanmoins des outils indispensables à la lutte dans ce domaine. A cet égard, l’absence ou la fragilité de ces contrôles n’est-elle pas justement la preuve d’une conformité « de façade » ? A la lecture d’actualités ou de jurisprudences documentant l’existence de vastes système corruptifs au sein d’entreprises la question se pose toujours de savoir si des contrôles internes et comptables plus rigoureux eussent permis d’y mettre fin.

Sans trancher ce débat, force est de constater que les autorités de contrôle attachent désormais un intérêt vif et croissant aux politiques de contrôles internes et comptables anticorruption. L’AFA qui a publié un guide dédié à la question[1], semble aujourd’hui en faire une de ses priorités avec la cartographie des risques et l’évaluation des tiers.

 

Des objectifs similaires mais une gouvernance variable

Pour mettre en place cette politique de contrôles internes et comptables, portant sur les process et les flux financiers, la démarche est sensiblement identique dans toutes les entreprises. Elle consiste à identifier et à recenser le plus précisément possible toutes les procédures de contrôles internes et comptables existantes et pouvant participer effectivement de la lutte contre la corruption.

Il convient ensuite d’apparier les contrôles existants avec les risques identifiés dans la cartographie. Ainsi pour l’AFA, chaque scénario de risque présent dans la cartographie doit être couvert par un ou plusieurs contrôles internes et comptables. Une fois cet exercice réalisé, il appartient au département E&C de s’interroger sur la pertinence d’approfondir ou de refondre certains de ces contrôles.

Car, dans l’organisation des contrôles, les professionnels de l’E&C détiennent une place prépondérante. En charge des contrôles de 2nd niveau, ils doivent coopérer étroitement avec les directions financières, comptables, et de contrôle interne pour définir une stratégie de contrôle en adéquation avec la réalité terrain et les bonnes pratiques comptables. Dans ce contexte, certaines entreprises sont allées jusqu’à faire le pari de réunir sous une seule direction les départements E&C et contrôle interne. Un choix a priori bien accueilli par l’AFA.

 

Un contrôle de second niveau

Pour remplir leur mission et s’assurer que les contrôles de 1er niveau sont correctement réalisés, les directions E&C et CI de grands groupes adressent des questionnaires d’autoévaluation à leurs branches et filiales. Ces questionnaires bâtis autour des 8 piliers de la loi Sapin peuvent également s’inspirer des attendus du questionnaire AFA. Ils possèdent généralement entre 10 et 20 objectifs de contrôle, chacun s’appuyant sur des points de contrôle précis, requérant lui-même la production de différentes pièces justificatives.

Une fois la réponse aux questionnaires reçue, le contrôle interne, la direction E&C ou des équipes mixtes procèdent au contrôle aléatoire d’une partie d’entre elles : contrôle sur pièce et plus rarement sur place, visant les « déclarés bons comme mauvais élèves ».

Si la réponse aux questionnaires laisse apparaitre un système de contrôles défaillant ou insuffisant, il appartient à la direction E&C de proposer des recommandations ou un accompagnement à la branche ou la filiale concernée.

Par ailleurs, s’il existe un écart entre le déclaré et le contrôlé, des mesures plus contraignantes peuvent être décidées :  mise en conformité sous un délai donné, nomination d’un référent en charge du suivi, information à la direction générale, lettre de rappel, voire, le cas échéant, sanction.

  

Quelle stratégie de contrôle ?

Bien que les opérations de contrôle interne soient indispensables à la robustesse des politiques de conformité anticorruption, force est de constater qu’un équilibre doit être trouvé entre cet aspect et celui tenant à la dimension culturelle du sujet. D’abord parce qu’une politique de contrôle interne aboutie conduit à une mobilisation très importante de ressources humaines. Dans ce contexte et égard au volume de données à traiter, de nombreuses d’entreprises s’entourent de prestataires externes pour réaliser cet exercice.

Ensuite car il reste très difficile de mesurer l’efficacité réelle des contrôles réalisés. L’AFA elle-même ne semble pas disposer d’une grille d’analyse unique. En son absence c’est donc la complémentarité et la multiplicité des contrôles qui font la pertinence de la politique de contrôle dans son ensemble.

Enfin, car la définition d’une stratégie globale de contrôles internes et comptables est un exercice difficile qui nécessite la mobilisation et l’étroite coopération de nombreux services pour arriver à une maturité satisfaisante. La constitution de ce type de stratégie – qui englobe mais ne se restreint pas à la seule E&C – semble aujourd’hui être un des futurs chantiers prioritaires pour de nombreuses entreprises rencontrées.

[1] Le guide est disponible ici : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/AFA_Guide_ControleCompta_web.pdf

Crédit photo : Unsplash

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