Les réglementations relatives à la prise en compte des dimensions éthiques de l’activité des entreprises se succèdent et la maturité de ces dernières en matière de conformité et de responsabilité sociétale semblent se renforcer à mesure. Néanmoins, un risque critique existe que cette conformité ne soit que de façade, utilitaire et finalement oublieuse de ses objectifs premiers. Les procédures, aussi précieuses qu’elles soient, ne suffisent pas en la matière et doivent être soutenues par une véritable culture éthique. Quelle est-elle ? Comment la faire naître et l’entretenir ? Quels outils de sensibilisation ? Retour sur les discussions qui ont animé notre dernier atelier pratique.

 

 

 

 

Au-delà des procédures, la culture

Des procédures de conformité sans culture d’éthique semblent pouvoir s’apparenter à des arbres sans racine. Comment se soumettre à des injonctions souvent complexes, parfois contre-intuitives et la plupart du temps chronophages, sans en comprendre les justifications, la légitimité ? Comment interpréter celles-ci sans en saisir les bases conceptuelles ?

Les procédures de conformité traduisent de manière opérationnelle la volonté d’une entreprise de respecter certaines valeurs et principes, d’encourager ou de proscrire certains comportements. Les valeurs, qui caractérisent toute culture, sont également l’objet d’étude de l’éthique, dont la fonction en entreprise est d’interroger sur les comportements justes à adopter. Ainsi culture d’entreprise et culture éthique semblent interdépendantes, la seconde étant tout à la fois partie, fondement et moteur de la première.

A l’heure où la recherche de sens au travail apparait comme un nouvel incontournable, les raisons pour lesquelles il est nécessaire de développer une véritable éthique d’entreprise s’avère plurielle : attractivité et fidélisation des collaborateurs, facteur de motivation, de bien-être et de performance, adaptation aux nouvelles exigence sociétales tout en conservant un socle stable dans des périodes incertaines aux changements rapides, etc. Et ce sans préjudice des bénéfices plus directs que sont la baisse des risques de non-conformité, la création de potentiels avantages concurrentiels, ou encore la protection de la réputation…

Sans compter que l’éventuel découplage entre politiques affichées et pratiques tolérées crée un risque critique de cynisme organisationnel et dissonance cognitive chez les collaborateurs, tous les deux néfastes à moyen et long terme à l’activité de l’entreprise.

Faire naître et durer une culture de l’éthique

A l’instar de la culture d’entreprise, la culture de l’éthique ne peut simplement se décréter : elle doit vivre et s’incarner à travers chaque collaborateur, et ce dès leur arrivée ! Ainsi, certaines entreprises intègrent des critères de sélection liées aux valeurs dans leur annonce de recrutement ou lors des entretiens d’embauche et la plupart communiquent sur le sujet lors des journées d’intégration.

Visibilité et lisibilité de la politique d’éthique doivent ensuite être assurées pour tous les collaborateurs en poste comme pour les parties prenantes externes de l’entreprise : les documents structurants doivent être pédagogiques et aisément consultables, tous les collaborateurs doivent être sensibilisés et en mesure d’en comprendre les tenants et aboutissants. Dans ce contexte, certaines entreprises ont décidé de rendre obligatoire pour tous les salariés de l’entreprise – du PDG aux fonctions les plus opérationnelles – un module de formation à l’éthique.

Cette obligation partagée par tous permet en outre d’accroître l’authenticité de la politique d’éthique en mettant en avant l’exemplarité du top management. Cela peut en outre s’accompagner de plans de communication, par exemple au moyen de témoignages filmés, sur l’application quotidienne des valeurs de l’entreprise à tous niveaux hiérarchiques de l’entreprise. Par ailleurs, les experts interrogés recommandent la mise en place d’espace d’échanges où les collaborateurs peuvent, entre pairs, discuter à propos de dilemmes éthiques.

Pour faire la culture éthique dans le temps, plusieurs moyens sont à disposition des fonctions E&C. En plus des actions de communication régulières à mettre en place – que ce soit sous forme d’évènement, d’articles, de lettre d’actualité, de vidéos – il convient de permettre que soit discuté les orientations de la politique d’éthique dans le temps long. Pour ce faire, l’instauration d’un comité éthique composé d’experts externes peut s’avérer judicieux. Enfin, tous les directeurs E&C s’accordent sur le fait qu’il est nécessaire de mesurer cette culture pour pouvoir la piloter dans le temps.

La sensibilisation et la formation des collaborateurs

Si le développement et l’entretien d’une culture d’éthique participe sans conteste d’une stratégie globale, force est néanmoins de rappeler le rôle important des actions de formation et sensibilisation à cet égard. A ce titre, la plupart des entreprises naviguent entre « exigence de qualité et exigence de quantité », les autorités de contrôle étant particulièrement vigilantes au fait que le maximum de salariés soit formé.

Dans ce contexte, de nombreuses entreprises développent une offre importante de e-learning, certaines se forçant même à renouveler le contenu de ces capsules tous les ans ! Si une formation à distance ne pourra jamais remplacer une formation en présentiel, certaines bonnes pratiques peuvent néanmoins aider à concevoir des modules de qualité. Pour ce faire, il convient de privilégier les formats courts qui s’appuient sur des mises en situation au plus proche des réalités opérationnelles et tenter de créer de « l’émotion », par exemple en abordant également la dimension personnelle des comportements prohibés.

Puisque le temps de concentration en entreprise tend se réduire, plusieurs entreprises ont décidé, en outre, de mettre en œuvre des actions, plus régulières, de micro-learning. Ces initiatives apparaissent stimulantes. Elles consistent à concevoir des « kits » de formation à destination des managers de chaque équipe qui leur permettent de pouvoir animer de manière autonome une rapide session de sensibilisation sur un cas pratique. L’objectif est d’inviter le manager à se saisir du sujet et à le proposer à son équipe de manière à susciter une discussion, en rappelant au besoin les lignes directrices de la politique d’éthique de l’entreprise sur ce sujet. C’est donc une forme de coaching permettant d’entraîner une équipe à traiter un dilemme éthique.

Une façon rapide, flexible, et astucieuse de permettre aux collaborateurs de se saisir de manière autonome et libre de la culture éthique de leur entreprise. Car bien plus que de potentiels fraudeurs, les collaborateurs sont avant tout les premiers gardiens de celle-ci !

Crédit photo : Unsplash

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !