Par Reagan INTOLE
Doctorant, Université Paris II Panthéon-Assas, A.T.E.R en droit privé, Université Sorbonne Paris Nord. Juriste Ethique, Conformité & RSE-QSSE

« La corruption et l’éthique des affaires dans l’espace O.H.A.D.A[1] »

Résumé :

L’O.H.A.D.A, est une organisation, créée le 17 octobre 1993 par le traité de Port-Louis (Ile Maurice). Elle regroupe 17 Etats membres et six acteurs. Elle entend favoriser l’intégration régionale et promouvoir l’amélioration de l’environnement des affaires en misant sur la sécurité juridique et judiciaire. Même si le climat des affaires s’est amélioré dans cette partie d’Afrique par l’application des règles communes O.H.A.D.A, le développement économique de la plupart de ces pays n’est toujours pas au rendez-vous. Si l’on intègre légitimement la dimension gouvernance des entreprises, l’effet de recul est notable. Ceci est évident d’autant plus que, la prise de contrôle de sociétés à la suite de l’acquisition d’informations par le versement de commissions occultes, les dérogations administratives et fiscales, l’obtention des marchés par les transactions commerciales internationales, bref la multiplication des pactes corrupteurs sont autant d’agissements profitant aux entreprises peu scrupuleuses aux dépens des autres parties intéressées. Il en résulte des effets néfastes sur le fonctionnement des entreprises, leur crédibilité et sur des populations entières. Il est alors clair que la question de la répression de la délinquance d’affaires implique les impératifs d’éthique et de gouvernance des entreprises. La présente réflexion est une invitation pour l’O.H.A.D. A de mettre en place des instruments juridiques pertinents de la bonne gouvernance et de la promotion effective de la culture de probité. L’O.H.A.D. A, à la vue de son originalité et dynamisme, est loin de faire l’éloge de manque d’intégrité. Ainsi, prévu pour promouvoir les investissements en Afrique à travers la sécurisation juridique et judiciaire des activités économiques, l’analyse des normes O.H.A.D. A peuvent démontrer qu’il est assez ouvert pour favoriser la prise en considération d’une éthique des affaires effective.

Introduction

La carte 2019 de l’indice de perception de la corruption de Transparency International[2] affiche en rouge les pays de l’Afrique subsaharienne en général et ceux de l’espace O.H.A.D.A en particulier. L’O.N. G classe les pays selon un score allant de 0 (fortement corrompu) à 100 (très peu corrompu) avec une moyenne à 32 pour les pays africains. L’année 2018 fut déclarée par l’Union africaine comme celle de la victoire de la lutte contre la corruption.[3] Malheureusement, hormis certains pays de l’Afrique comme le Botswana et la Namibie qui font bonne figure, la majorité des pays restent désespérément dans le rouge. Selon la banque africaine de développement, B.A.D, la corruption ferait perdre chaque année 148 milliards de dollars à l’Afrique.[4]

En effet, la corruption est un concept difficile à définir. Elle inclut des pratiques très diverses lesquelles ne semblent pas être abordées de la même manière dans tous les textes juridiques. A ce propos, l’article 1er de la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption définit celle-ci comme les actes et pratiques, y compris les infractions assimilées, prohibés par la présente convention.[5] Si certains travaux osent affirmer curieusement l’effet positif de la corruption sur la croissance économique[6], force est de constater que dans la plupart des cas, et surtout dans le contexte africain, la corruption est préjudiciable au développement économique, politique et social. Elle fausse la concurrence sur le marché, affaiblit la productivité et empêche finalement une croissance économique durable.  Alors que l’Afrique sub-saharienne est devenue un marché commercialement important avec la création de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, O.H.A.D. A, les risques de malversations et de corruption sont en train d’entraver des investissements plus massifs. En outre, ils limitent la capacité des entreprises à faire des affaires sur un même pied d’égalité avec leur concurrent.

L’O.H.A.D. A a le mérite d’avoir assaini l’environnement des affaires et favorisé l’attractivité économique[7]. Pourtant, le développement économique de la plupart de ces pays n’est toujours pas au rendez-vous. Si l’on intègre légitimement la dimension gouvernance des entreprises, l’effet de recul est spectaculaire. A ce propos, l’enjeu gouvernance renvoie aux pratiques des entreprises vis-à-vis de leurs actionnaires et des représentants des salariés ainsi qu’à leurs comportements sur les marchés et vis-à-vis des parties intéressées dont notamment clients et fournisseurs, Etats, riverains (prévention des conflits d’intérêt et de pratiques de corruption ou anti concurrentielles, diffusion des bonnes pratiques dans l’ensemble de la chaine de valeur ou de production). Ceci est évident d’autant plus que, la prise de contrôle de sociétés à la suite de l’acquisition d’informations par le versement de commissions occultes, les dérogations administratives et fiscales, l’obtention des marchés par les transactions commerciales internationales, bref la multiplication des pactes corrupteurs sont autant d’agissements profitant aux entreprises peu scrupuleuses aux dépens des autres parties intéressées. Il en résulte des effets néfastes sur des populations entières, le fonctionnement des entreprises et leur crédibilité. Il est alors clair que la question de la répression de la délinquance d’affaires implique les impératifs d’éthique et de gouvernance des entreprises.

La corruption et autres manquements à la probité, qu’elle soit publique, autrement dit pacte de corruption entre un agent privé et un agent public[8] ou touchant les personnes politiquement exposées[9] ; ou qu’elle soit privée c’est-à-dire pacte de corruption entre deux agents privés[10], il n’en demeure pas moins que la corruption est un mal qui gangrène le développement économique voire politique et social des pays de l’espace O.H.A.D.A. Elle est à l’origine non seulement des plusieurs scandales provoqués par certaines entreprises africaines ou étrangères et les politiques africains mais aussi des maux que souffrent les populations africaines : accroissement de la pauvreté, faible niveau d’éducation et de couverture sanitaire, faiblesse des infrastructures et des conditions de vie etc. Malgré un accroissement notable de la norme répressive en matière de corruption, à la suite des ratifications des conventions internationales qui consacrent l’effet d’une extension du champ d’incrimination au secteur privé, les règles de conformité pour les entreprises apportent un souffle nouveau sur l’efficacité de moyen de lutte contre le fléau de la corruption dans le monde des affaires et aussi comme outil de restauration de la loyauté et de l’intégrité dans les transactions commerciales. La lutte contre la corruption est aujourd’hui une question centrale des règles de conformité. Cette dernière consiste à s’assurer que l’institution régulée respecte les règles juridiques ainsi que l’ensemble des devoirs et des règles de conduite qui lui sont applicables. La lutte contre la corruption, prise comme règles de conformité dans la conduite des affaires favorise l’éthique des affaires.

Le mouvement d’intégration des règles de conformité pour rendre des entreprises responsables, commencé aux Etats-Unis[11], repris en France[12], relayé au niveau international[13], est désormais très largement avancé.[14]  L’O.H.A.D. A ne peut rester en marge de ce mouvement. Prévu pour promouvoir les investissements en Afrique à travers la sécurisation juridique et judiciaire des activités économiques, l’analyse des normes O.H.A.D. A démontre que le droit O.H.A.D. A est ouvert pour favoriser la prise en considération d’une éthique des affaires effective par des entreprises.[15] L’objet de cette étude est donc d’effectuer une analyse prospective sur l’évolution et la mise en place des instruments juridiques pertinents de la bonne gouvernance et de la promotion effective de la culture d’intégrité au sein de l’espace O.H.A.D.A. A la vue de son originalité et son dynamisme[16], l’O.H.A.D. A peut moraliser son système commercial et la culture organisationnelle soit en misant sur ses normes existantes, soit en adoptant des nouvelles normes. Ceci exige, de ce fait, une rupture avec le passé commercial et politique entaché par le manque d’éthique c’est-à-dire la domination de la corruption érigée en règle. Dès lors, l’organisation communautaire pourra contribuer efficacement à la lutte contre la corruption afin d’atteindre ses objectifs.

Ainsi, avant d’explorer les modalités d’intégration des règles de conformité pour prévenir et réprimer la corruption dans l’espace O.H.A.D.A (II), il nous revient de présenter dans une partie préliminaire le cadre de l’O.H.A.D.A qui précèdera l’analyse du contexte de la corruption comme un mal qui gangrène le développement économique, politique et social (I).

Partie préliminaire : Présentation du cadre O.H.A.D.A

L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, O.H.A.D. A est une véritable opportunité historique (A). Elle poursuit comme but monumental l’élaboration des règles communes dans les matières de droit des affaires préalablement bien définis (B).

A – L’O.H.A.D. A, une opportunité historique

La situation économique et sociale de l’Afrique demeurait très préoccupante dans les trois dernières décennies précèdent la création de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, O.H.A.D. A. Ce paysage contraignait la communauté internationale à poursuivre la recherche des voies et moyens pouvant mettre un terme à l’aggravation constante des problèmes de ce continent et faire démarrer son développement. C’est cette conjoncture qui a été à la base en juin 1986 d’une session spéciale des Nations Unies consacrée aux problèmes économiques de l’Afrique[17]. Pour sortir l’Afrique de cette situation, on soulignait particulièrement l’impérieuse nécessité d’une solidarité et d’une coopération interafricaine étant donné que l’amélioration du sort de l’Afrique résulterait avant tout des efforts des Africains eux-mêmes. C’est dans le contexte de cette coopération interafricaine qu’il convient de placer la création de l’O.H.A.D. A par le Traité du 17 oct. 1993 dit « Traité de Port-Louis », révisé le 17 oct. 2008.

En effet, le droit de l’O.H.A.D. A est un droit originellement africain. Il est vrai qu’il a un soubassement étranger, spécialement européen, du fait de l’influence coloniale incontestable. Néanmoins, il demeure essentiellement africain du fait de ses auteurs et inspirateurs, tous juristes, magistrats ou hauts fonctionnaires, qui avec excellence, ont répondu aux vœux des politiques de leurs pays désireux de réaliser le rêve africain de développement et d’intégration régionale, mais cette fois, par le biais non pas politique ou économique, mais particulièrement juridique et judiciaire.  Cette sorte d’intégration est qualifiée de modèle énergique d’intégration juridique.[18] Elle a permis de relever les défis qui interpelaient les africains et améliorer le climat des affaires. Autrement dit, face aux indicateurs socioéconomiques, en Afrique, qui dévoilaient souvent un diagnostic accablant, il n’était plus possible de s’en tenir à la succession des programmes économiques[19]. D’où il fallait faire accompagner les économies des Pays membres d’une adaptation de droit des affaires et d’une réhabilitation de système judiciaire.

L’O.H.A.D. A est une organisation qui entend favoriser l’intégration régionale et promouvoir l’amélioration du climat des affaires en misant sur la sécurité juridique et judiciaire. Pour ce faire, elle harmonise le droit des affaires par des règles simples, modernes et adaptées à la situation des économies des Etats parties. Dans la même perspective, elle encourage l’arbitrage et la médiation comme mode de règlement des différends contractuels ainsi que la formation des gens de justice.  Pour le Professeur Kéba M’baye, un des Pères fondateurs de l’O.H.A.D. A : « L’O.H.A.D. A est un outil juridique imaginé et réalisé par l’Afrique pour servir l’intégration économique et la croissance[20] ». Elle regroupe ce jour 17 Etats membres : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo (Brazza), Congo (République Démocratique du), Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. C’est donc le plus grand espace juridique et judiciaire africain et l’une des plus fortes avancées d’uniformisation juridique au monde. Sur le plan institutionnel, l’O.H.A.D. A comprend :

  • La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement : instance compétente sur toute question concernant le Traité ; quorum : deux-tiers ; décisions : par consensus ou, à défaut, à la majorité absolue.
  • Le Conseil des Ministres : organe normatif composé des Ministres de la Justice et des Finances des Etats parties, cette institution a compétence pour adopter les Actes uniformes, approuver les budgets des organes de l’O.H.A.D. A et en désigner les animateurs. Présidence annuelle par rotation.
  • La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) dont le siège est en Abidjan (Côte d’Ivoire), avec possibilité d’audiences foraines dans les Etats parties. Elle est une juridiction supranationale faisant office de Cour suprême pour tout l’espace O.H.A.D.A, la C.C.J.A comprend neuf juges inamovibles, élus pour sept ans (mandat unique). Elle connaît des pourvois contre les décisions rendues en dernier ressort dans les Etats parties. Elle décide une fois pour toute, sans renvoi (en cas de cassation, elle juge au fond, comme un troisième degré de juridiction). Elle a aussi une fonction consultative (avis sur l’interprétation et l’application des normes de l’O.H.A.D. A). Enfin, elle constitue un centre d’arbitrage.
  • Le Secrétariat Permanent (siège : Yaoundé au Cameroun) : assiste le Conseil des Ministres, prépare les projets d’Actes uniformes et le programme annuel d’harmonisation des Actes uniformes.
  • L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (siège : Porto-Novo au Bénin). Cet organe rattaché au Secrétariat Permanent assure la formation continue des praticiens du droit O.H.A.D.A et est dotée d’un centre de documentation hautement équipé.
  • Le Conseil de la Normalisation Comptable: il joue aussi un rôle déterminant en tant qu’organe régulateur en matière de comptabilité. Le très ancien Conseil Permanent de la Comptabilité (CPCC) n’a pas été sans influence sur la décision qui a amené les instances dirigeantes de l’O.H.A.D. A à combler une lacune au niveau de l’organisation comptable.

B – L’élaboration des règles communes dans les matières ou domaines préalablement définis

              L’article 1er du Traité de Port-Louis indique les objectifs de l’O.H.A.D.A. Il s’agit de l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats membres par l’élaboration et l’adoption des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre des procédures appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage et la médiation pour le règlement des différends. En clair, l’objet du Traité de l’O.H.A.D. A est si large qu’il ne peut porter que sur un domaine préalablement défini. C’est pourquoi l’article 2 du traité énumère les huit matières qui entrent dans le champ du droit des affaires et qui, de ce fait, sont concernées par l’uniformisation. Il s’agit des matières relatives aux : droit des sociétés et au statut juridique des commerçants ; recouvrement des créances ; suretés et aux voies d’exécution ; régime du redressement des entreprises ; droit de l’arbitrage ; droit du travail ; droit comptable ; droit de la vente et des transports.

               Notons qu’en sus de ces matières citées, entre en ligne de compte tout autre matière que le conseil des ministres déciderait à l’unanimité d’inclure pour vu qu’elle soit conforme à l’objet du traité. Sans nul doute, toutes ces matières réunies constituent le droit uniformisé et harmonisé issu de l’O.H.A.D.A.  Autrement dit, l’article 2 du traité de Port-Louis donne une liste non limitative des matières qui entrent dans le champ du droit des affaires et qui, de ce fait, sont concernées par l’uniformisation et font, chacune, l’objet d’un acte uniforme, instrument juridique par excellence des règles communes de droit des affaires. A ce jour, on compte 10 actes uniformes :

  • Acte uniforme sur le droit commercial général (A.U.D.C.G) : adopté le 17 avril 1997 et révisé le 15 déc. 2010, il a vocation à s’appliquer à l’activité commerciale de tout commerçant, personne physique ou morale y compris toutes les sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou tout autre personne de droit public est associé, ainsi que tout groupement d’intérêt économique dont l’établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l’un des Etats parties au traité O.H.A.D.A.
  • Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique (A.U.S. C.G.I.E) : adopté le 17 avril 1997 et révisé le 30 Janv. 2014, il a pour objet de réglementer les différentes formes de société commerciale convenant à l’activité commerciale envisagée. Ainsi, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, désirant exercer en société, une activité commerciale sur le territoire de l’un des Etats parties, doivent choisir l’une des formes de société prévues dans le dit acte.
  • Acte uniforme portant organisation des sûretés (A.U.S) : adopté en déc. 2010 et entré en vigueur en 2011, il s’est substitué au précédent acte uniforme adopté en 1997 règlementant les garanties de paiement de créances à terme ou garanties d’exécution des obligations à terme. Ce texte de base doit, sur certains points être complété par des dispositions éparses qui se trouvent dans d’autres Actes uniformes soit de manière implicite soit parce que l’AUS renvoie expressément à ces textes.
  • Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (A.U.P.S.R.V.E) : adopté le 10 avril 1998, il concerne la demande suivant la procédure d’injonction de payer de tout recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible ; la procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un bien meuble déterminé ainsi que les voies d’exécution.
  • Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (A.U.P.C.A.P) : adopté le 10 avril 1998 et révisé le 10 sept. 2015, il a pour objet d’organiser les procédures préventives de conciliation et de règlement préventif ainsi que les procédures curatives de redressement judiciaire et de liquidation des biens afin de préserver les activités économiques et les niveaux d’emplois des entreprises débitrices, de redresser rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non viables dans des conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par des créanciers et d’établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties. Il définit également le statut et la règlementation des mandataires judiciaires ainsi que des sanctions et des incriminations pénales relatives à la défaillance du débiteur.
  • Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (A.U.A) : adopté le 11 mars 1999 et révisé le 23 nov. 2017, il a pour vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats parties. Toute personne physique ou morale y compris les Etats et les autres collectivités publiques territoriales peuvent être parties à un arbitrage quel que soit la nature juridique du contrat.
  • Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière (A.U.D.C.I.F) : adopté le 24 mars 2000 sous l’appellation « acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilité des entreprises », il est révisé le 26 janv. 2017. A cet effet, toutes les entités soumises aux dispositions de l’A.U.D.C. G, de l’A.U.D.S. C.G.I.E, et de l’A.U.S.C, les entités publiques, parapubliques, d’économies mixtes et plus généralement celles qui produisent des biens et services marchands, sont astreintes de mettre en place une comptabilité financière conformément au Plan comptable général O.H.A.D.A et du dispositif comptable aux comptes consolidés et combinés, dénommés Système comptable O.H.A.D.A, SYS.C.O.H.A.D.A.
  • Acte uniforme relatif aux contrats de transports de marchandises par route (A.U.C.T.M.R) : adopté le 22 mars 2003, il a pour objet de règlementer tout contrat de transport des marchandises par route lors que le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un Etat membre de l’O.H.A.D. A, soit sur le territoire de deux Etats différents dont l’un au moins est membre de l’O.H.A.D.A. Il s’applique quelque soient le domicile et la nationalité des parties au contrat de transport. De plus, il n’a pas vocation à s’appliquer aux transports de marchandises dangereuses, aux transports funéraires, aux transports de déménagement ou aux transports effectués en vertu de conventions postales internationales.
  • Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (A.U.S.C) : adopté le 15 déc. 2010, il a vocation à s’appliquer à toute société coopérative, toute union ou fédération de sociétés coopérative, ou toute confédération de sociétés coopératives faisant option de la forme coopérative, situées sur le territoire de l’un des Etats Parties au traité O.H.A.D.A. Selon l’A.U.S.C, on entend par société coopérative, un groupement autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs.
  • Acte uniforme relatif à la médiation (A.U.M) : adopté le 23 nov. 2017, il s’agit de l’organisation de tout processus quelle que soit son appellation dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un accord découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à tel rapport impliquant les personnes physiques ou morales y compris les entités publiques ou des Etats. Il ne s’applique pas aux cas dans lesquels un juge ou un arbitre pendant une instance judiciaire ou arbitrale tente de faciliter un règlement amiable directement avec les parties.

La présentation du cadre O.H.A.D.A étant faite, il importe de relever le contexte de la corruption comme un mal qui gangrène le développement économique, politique et social de l’espace O.H.A.D.A avant de prospecter les modalités d’intégration des règles de conformité pour prévenir et réprimer la corruption.

I – La corruption, un mal qui gangrène le développement économique, politique et social

 Les pays de l’espace O.H.A.D.A sont riches en ressources naturelles. Il apparait que l’abondance des ressources naturelles n’est pas une condition suffisante pour rendre florissante leur situation économique. D’ailleurs, les études empiriques n’établissent pas un lien direct entre ressources naturelles et développement économique[21]. Le plus souvent, c’est une corrélation négative entre abondance des ressources naturelles et croissance économique qui est mise en avant ; cette corrélation négative nourrit la thèse de la malédiction des ressources naturelles.[22]  La corruption est l’un des maux qui sont à la base de cette malédiction.  Les réalités socio-politiques expliquent la généralisation et la banalisation de la corruption dans l’espace O.H.A.D.A (A), laquelle a des conséquences néfastes sur le développement économique, politique et social (B).

A – Les réalités socio-politiques de l’espace O.H.A.D.A

La corruption n’est pas perçue à l’identique selon les cultures. Il s’agit d’un fléau que l’on retrouve à des degrés différents partout dans le monde. Alors, pourquoi la généralisation et la banalisation de la corruption en Afrique ? Monsieur Cheikh Mbacké Gueye, nous livre les différents éléments sociologiques qui expliquent le terreau de la corruption dans les sociétés africaines.[23] En Afrique, la solidarité familiale est un élément important. Le tissage des liens sociaux crée des nouvelles manières de vivre basées sur les relations. Il en résulte que l’individu, en Afrique, ne peut vivre sans l’autre. Certes, il s’agit d’une qualité africaine. Pourtant, la corruption prend ses racines dès que l’individu contourne les devoirs, les règles de bonne conduite et les lois pour se laisser entraîner à l’exercice facile du relationnel.  Cela crée un danger certain dès qu’il prend le dessus sur le cadre légal et éthique. La corruption, qu’elle soit publique ou privée, aussi bien financière, morale et intellectuelle, trouve ainsi un milieu de culture favorable partout où le relationnel prédomine. A cet effet, le relationnel en constitue la porte et finit par instituer des modes de vie et de pensée dans la société qui se résument à travers des concepts[24] allusifs tels : « bras longs », « mallettes charitables des gouvernants » ou mallettes des despotes africains » », « la nourriture des enfants », « papa chéri », « fils ou fille de » etc. Pour les promoteurs de ces concepts, ceux-ci impliquent la transgression volontaire et préméditée des règles juridiques et/ou des devoirs et règles de bonne conduite régissant la société. Aussi, le recours à ces pratiques relègue aux seconds rangs les critères d’éthique tels, la bonne gouvernance, le respect des lois, la transparence, le mérite, l’excellence, la qualité etc.

Dans la même optique, les réalités politiques expliquent la banalisation de la corruption en Afrique. L’homme politique africain, comme le remarque l’économiste gabonais Luc Pandjo Boumba[25], a quatre fonctions d’utilités irréductibles à satisfaire. Premièrement, une fonction de demande de biens économiques au sens stricte ; deuxièmement, une fonction traduisant sa demande de prestige ; troisièmement, une fonction restituant la demande de solidarité familiale ; enfin quatrièmement, une fonction restituant un processus d’accumulation personnel du pouvoir. L’analyse de la dernière fonction appelle quelques observations. Il parait évident que l’accumulation personnelle du pouvoir met à mal la démocratie. Pour autant cette accumulation des richesses justifie pour certains les avantages indus que la corruption distribue[26]. Par conséquent, pour s’éterniser au pouvoir, l’homme politique africain achète les votes, en contrepartie des libéralités en argent ou en nature. Il tisse des alliances politiques et amicales avec des acteurs économiques nationaux qu’étrangers. Il cultive des relations avec des entreprises, de fois, au comportement prédateur.[27] Ces entreprises infusent l’argent massivement pour le soutien matériel des régimes en place. Puis qu’elle soutienne matériellement le régime, ces entreprises anéantissent les plans de développement projetés.[28] En contrepartie, l’homme politique fait obtenir à ces entreprises, en dehors des règles de jeu, l’accès aux importantes concessions minières et pétrolières, marchés publics, facilités douanières etc. Par ailleurs, le goût du lucre et la recherche de la prospérité matérielle, permet au politique africain de renforcer et conforter son prestige. A ce propos, Monsieur Pierre Jacquemot nous renseigne en ces termes : « …la fortune, au lieu d’être un objet de blâme est l’attribut du vrai chef. Elle doit donc être visible pour devenir une vertu politique. Il serait par conséquent inadéquat d’opposer à la corruption le sentiment de « honte » qu’elle ferait naître chez ses pratiquants. Il ne peut pas y avoir condamnation de la part de ceux qui bénéficient des retombées, sauf s’ils pensent que d’autres sont mieux servis. La honte joue sur un tout autre registre, celui de la pression de l’entourage et des réseaux qui légitiment les entorses au droit. On rencontre cette situation dans de nombreuses sociétés africaines : s’enrichir, même de manière illicite, n’est pas perçu comme un mal en soi, en revanche s’enrichir sans partager est considéré comme contraire à l’éthique. Pire, celui qui n’aura pas su saisir l’occasion lorsqu’elle s’est présentée sera suspecté d’avoir « mangé tout seul ». La corruption est une modalité acceptée de gestion des relations sociales.[29] »

Cela étant, la généralisation et la banalisation de la pratique de la corruption et autres manquements au devoir de probité en Afrique subsaharienne en général et dans l’espace O.H.A.D.A en particulier, expliquée par les réalités socio-politiques ne peuvent que favoriser des effets sociaux, économiques et politiques dévastateurs.

B – Les effets dévastateurs de la corruption sur le développement économique, politique, social et environnemental

 La corruption est préjudiciable au développement économique, politique et social. Ceci est évident d’autant plus que le préambule même de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption énonce cette problématique. Les États Membres sont préoccupés par « les effets négatifs de la corruption et de l’impunité sur la stabilité politique, économique, sociale et culturelle des États africains et ses effets dévastateurs sur le développement économique et social des peuples africains[30] ».

En effet, la corruption freine le flux des investissements. Les gros investissements privés sont freinés par les risques de malversations et de corruption. D’un côté, les entreprises, qui ont besoin d’autorisations administratives, sont les plus susceptibles de corruption dans le cadre des appels d’offres relatifs aux marchés publics ou lors des procédures de dédouanement.[31] De l’autre côté, des entreprises de bonne réputation sont écartées du marché, sapant la santé à long terme les secteurs économiques dont notamment celui des ressources naturelles.[32] De plus, du fait de l’accroissement des règles de conformité luttant contre la corruption dans les pays occidentaux, les grandes et petites entreprises occidentales qui sont soumises à ces règles évitent d’établir des relations d’affaires avec les entreprises africaines et étrangères opérant en Afrique à du risque de corruption. Il s’agit d’une fuite d’investissements pour les entreprises africaines et étrangères opérant en Afrique. D’ailleurs, la Banque Africaine de Développement estime que chaque année, 148 milliards de dollars sont perdus en Afrique du fait de la corruption.[33] Aussi, même si les pays de l’espace O.H.A.D.A sont riches en ressources naturelles qui, de surcroit est un facteur aggravant de corruption, les performances en matière de développement humain restent lamentables. Les pays de l’O.H.A.D. A exportateurs de pétrole et de minerais se classent régulièrement presque en dernière position de l’Indice de développement humain du Programme de l’O.N. U pour le Développement, P.N.U.D. Ils affichent une répartition hautement inégale entre les revenus et les richesses dont la grande partie se volatilise par la corruption.[34] Il est alors vrai que la répartition des revenus très fortement déséquilibrée peut également être un frein à la croissance économique, puisque l’inégalité économique sape le développement des marchés, limite les opportunités d’investissement et prive les pauvres de tout accès aux outils et ressources dont ils ont besoin pour améliorer leur productivité.[35]

La corruption dans les affaires peut avoir des effets sociaux dévastateurs. Les pactes corrupteurs une fois réalisés, les entreprises font en sorte d’en récupérer le coût par la production et la commercialisation des services et produits de moindre qualité. De même, les grands et petits projets d’infrastructures peuvent être mal exécutées ou construites. La mauvaise qualité des produits et services de ces entreprises sont à la base de l’effondrement du système sanitaire, voire social.  Les citoyens et les consommateurs africains achètent des biens à un prix très élevés car ces entreprises répercutent le coût du fait des pactes corrupteurs alors que les produits et services devraient être achetés à un coût plus bas. En conséquence, la corruption peut rapidement conduire, selon la B.A.D, en termes économiques, à une « course vers le bas », où l’entreprise la moins souhaitable et la plus inefficace peut obtenir le marché du fait des pactes corrupteurs.[36]

La corruption a des effets dévastateurs sur le plan politique. Il sied de comprendre que la quasi-majorité des pays de l’espace O.H.A.D.A sont des pays riches en ressources naturelles. Or il est souvent admis que la richesse liée aux ressources naturelles soit par ailleurs étroitement associée à une gouvernance illégitime. Selon une estimation, 70 % des États riches en pétrole et en gaz sont des autocraties.[37] En l’absence de légitimité populaire, les ressources naturelles offrent à ces régimes les moyens financiers nécessaires pour leur maintien au pouvoir, quelle que soit la performance de leur gouvernance. Autrement dit, le flux constant des revenus issus des ressources naturelles finance le patronage et les structures de sécurité sur lesquelles les gouvernements se reposent pour rester au pouvoir sans le soutien du peuple.[38] L’effet est de prolonger les résultats négatifs des sociétés soumises à cette règle dysfonctionnelle nourrie par la corruption. De plus, les conflits civils, déclenchés à cause des richesses liées aux ressources naturelles dédoublées de la corruption comme leitmotiv, caractérisent ainsi la situation politique.[39]

Les effets dévastateurs de la corruption sur le développement économique, politique, social élucidés, il revient de démontrer comment le droit O.H.A.D.A peut favoriser la prise en considération d’une éthique des affaires effective par des entreprises opérant sur son espace géographique.

II – L’O.H.A.D. A, vecteur de la lutte contre la corruption

L’O.H.A.D. A poursuit une finalité économique. Considérée comme étant un outil de développement économique, son objectif est : « de reconquérir la confiance des investisseurs et de sécuriser les rapports juridiques en vue d’une croissance durable [40]». A ce propos, l’O.H.A.D. A favorise la stimulation des investissements à travers la mise en place d’un espace juridique et judiciaire sécurisé des activités économiques. Or la corruption, comme l’instabilité politique, constitue la raison sine qua non pour les investisseurs de s’abstenir d’un engagement dans l’espace O.H.A.D.A. La corruption peut, à cet effet, menacer le succès de l’O.H.A.D. A.[41] Le développement des règles uniformes de conformité de lutte contre la corruption est essentiel en vue d’assurer le vœu de la modernité et l’adaptabilité sur lesquels insistent le Traité de Port Louis révisé au Québec le 17 oct. 2008.[42] Ainsi, avant d’explorer les différentes possibilités qu’offrent les instruments juridiques O.H.A.D.A pour l’intégration des règles de conformité pour une culture d’intégrité des entreprises (B), il importe de préciser les raisons militant en faveur du développement des règles de conformité dans l’espace O.H.A.D.A (A).

A – Les raisons du développement des règles uniformes de conformité dans l’espace O.H.A.D.A

L’article 1er du traité de Port-Louis dispose que « le présent traité a pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties, par l’élaboration et l’adoption des règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». À la vue de cet article, l’organisation communautaire repose sur le vœu de modernité et d’adaptabilité qui passent non seulement par l’adoption des règles communes non limitatives conformément à l’article 2 du traité[43], mais aussi par l’institution de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, C.C.J. A[44] et de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature, E.R. SU.MA[45]. L’O.H.A.D. A depuis un certain temps, s’est engagé dans cette modernité et adaptabilité sur fond de l’édiction des actes uniformes qui sont des règles communes directement applicables dans tous les Etats membres.[46] Ces actes uniformes repoussent les règles nationales. Quoiqu’à ce jour, 10 actes uniformes soient adoptés, l’O.H.A.D. A poursuit sa modernité et son adaptabilité par des projets ou chantiers d’actes uniformes.[47] La C.C.J.A garanti l’interprétation uniforme du droit commun dans tous les Etats membres. Elle donne soit des avis, soit en statuant au dernier ressort à la place des juridictions nationales si le litige concerne le droit O.H.A.D.A. Ce qui revient à dire qu’elle n’est pas compétente pour des litiges concernant la matière nationale non harmonisée. L’E.R.S.U.M. A assure la formation continue des praticiens du droit O.H.A.D.A. Si jusqu’ici l’O.H.A.D. A a eu beaucoup des succès, du fait qu’elle a véritablement créé un environnement positif du climat des affaires, force est de constater que le fléau de la corruption bloque le flux d’investissement.

En effet, il est vrai que le score de l’indice de perception de la corruption de Transparency International des Etats membres demeure dans le rouge. Toutefois, l’organisation communautaire offre une garantie de sécurité juridique et judiciaire des activités économiques[48]. A ce propos, la C.C.J.A décide réellement d’une manière indépendante sur la base du droit uniforme sans être corrompue. Une autre garantie est le règlement des différends contractuels par le recours à l’arbitrage[49] et la médiation.[50] Ces recours ouvrent simplement la possibilité aux opérateurs économiques d’éviter les juridictions nationales souvent infestées par la corruption. Pourtant, ces garanties ne suffisent pas pour la culture de bonne gouvernance et d’intégrité dans l’espace O.H.A.D.A. A cet effet, pour faire appel à la C.C.J.A, le requérant est censé d’abord parcourir les instances de la juridiction nationale. Une procédure longue et susceptible d’être entachée de corruption avant d’arriver à un juge supranational O.H.A.D.A. Pour l’arbitrage qui, d’ailleurs n’est pas approprié pour tout contrat commercial[51], l’exécution forcée d’une sentence arbitrale requiert l’exequatur des autorités nationales. En outre, les investisseurs qui ont besoin des autorisations officielles, pour certains secteurs comme celui des ressources naturelles, sont obligés de passer par les administrations nationales où prévaut le risque de corruption. De plus, du fait de l’accroissement des règles de conformité luttant contre la corruption dans les pays occidentaux, les grandes et petites entreprises occidentales qui sont soumises à ces règles évitent d’établir des relations d’affaires avec les entreprises africaines et étrangères opérant dans l’espace O.H.A.D.A à cause du risque de corruption. Il est donc nécessaire pour l’O.H.A.D. A de moderniser et d’adapter ses instruments juridiques pour refréner la corruption et assurer la compétitivité et la concurrence loyale. Ceci permettra à l’O.H.A.D. A d’atteindre son plein succès.

Une autre raison est que les pays de l’espace O.H.A.D.A ont adhéré et adopté plusieurs initiatives nationales et internationales de lutte contre la corruption.[52] Ces initiatives n’ont pas significativement apporté un changement. Pour des initiatives nationales qui se matérialisent soit par l’institution des organismes nationaux de suivi et lutte contre la corruption[53], soit par des programmes renforçant le travail des magistrats, police, l’échec est notable. Ces initiatives et programmes échouent car de fois, les politiques les servent comme un prétexte pour se débarrasser d’adversaires politiques, soit pour faire plaisir aux donneurs d’aide étrangers sans un souhait véritable de succès, soit des groupes influents sabotent les efforts des gouvernants. D’où l’O.H.A.D. A, du fait de son originalité, car elle est un modèle énergique d’intégration juridique[54], offre des meilleures possibilités aux Etats membres de l’O.H.A.D. A de faire monter leurs normes juridiques au niveau des meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption. Puis que la corruption constitue un terrain possible de commission de quasiment tous les manquements au devoir de probité. Pour autant, le risque pénal n’est pas une fatalité dans le monde des affaires ; il peut être anticipé, prévenu et maîtrisé grâce à une démarche ou programme anticorruption efficace. L’O.H.A.D. A peut mettre la lutte anti-corruption au cœur de son cadre juridique. D’où les modalités d’intégration de ces règles de conformité anti-corruption.

B – Les modalités d’intégration des règles de conformité dans l’espace O.H.A.D.A

Le droit de l’espace O.H.A.D.A est assez ouvert pour embrasser les règles de conformité en vue de prévenir et réprimer la corruption dans les affaires. Si le développement du système pénal O.H.A.D.A traduit une volonté du législateur communautaire d’uniformiser l’assiette punissable dans son périmètre, il est clair qu’un compromis a été trouvé. Ce dernier est inscrit à l’alinéa 2 de l’article 5 du traité qui dispose que « les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale, les Etats parties s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ». Cet article du traité de Port Louis consacre donc un principe de compétence supranationale dans la définition des infractions communes et laisse aux Etats membres le pouvoir de déterminer les sanctions pénales applicables aux incriminations que peuvent prévoir les actes uniformes. Il s’agit d’une pratique assez courante qualifiée « d’exclusion expresse »[55] du fait que le droit pénal constitue l’un des domaines touchant la souveraineté d’un Etat.[56] Pourtant, il est relevé que le législateur O.H.A.D.A refuse de fois de se limiter à la définition des infractions punissables pour s’occuper également de la définition des peines. [57] Le droit pénal des affaires O.H.A.D.A demeure un cadre original.[58] A cet effet, il ne reconnait pas le principe de subsidiarité, concevable dans le cadre de l’U.E où le droit pénal est directif.[59] Dans le cadre de l’O.H.A.D. A, le droit pénal national ne remplace pas le droit O.H.A.D.A mais il a mission d’exécuter ou de compléter. Ce qui veut dire que le droit interne n’est pas subsidiaire au droit O.H.A.D.A mais complémentaire. Ainsi, les actes uniformes qualifient les attitudes repréhensibles et les textes nationaux indiquent le régime de la répression. C’est dans cette perspective que l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique consacre dans sa troisième partie la qualification des infractions pénales. Il en est de même de nombreuses dispositions d’actes uniformes dont ceux portant sur les procédures collectives d’apurement du passif, sur le droit commercial général, sur le droit comptable et à l’information financière, etc. Cette configuration du droit O.H.A.D.A démontre son ouverture pour embrasser les règles de conformité. Aussi, l’institution du nouvel organe de Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernements dans l’article 27 modifié du traité constitue une belle ouverture. La corruption demeure un comportement repréhensible, qui depuis plusieurs décennies est au cœur du besoin d’assainissement de l’environnement économique international, des enjeux de protection des droits de l’homme et de la moralité des grandes entreprises par les institutions internationales. La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernements qui « statue sur toute question relative au traité[60] » est compétent pour aborder ces questions d’intégration des règles de conformité dans l’espace O.H.A.D.A, puis que ces règles font partie d’une manière connexe du droit des affaires, objet du traité O.H.A.D.A. De plus, vue que les différents gouvernements des Etats membres de l’O.H.A.D. A multiplient des initiatives internes de lutte contre la corruption, ils ont dorénavant cette obligation réciproque d’aborder cette question au sein de l’espace O.H.A.D.A.

En effet, les règles de conformité consistent à s’assurer que l’institution régulée respecte les règles juridiques ainsi que l’ensemble des devoirs et des règles de conduite qui lui sont applicables.[61] Ces règles poursuivent des buts monumentaux.[62] A ce propos, elles permettent de prévenir et de gérer les crises non seulement bancaires et financières mais encore écologiques et sanitaires ou sociales. Par ces règles de conformité, les entreprises adoptent des programmes de conformité entre autres celui de lutte contre la corruption pour produire et se procurer de la sécurité juridique, en expliquant son comportement. La conformité ne peut bien fonctionner que si elle est effectivement insérée dans la culture des entreprises régulées en permanence par des institutions publiques et parfois sanctionnées. Ce qui revient à dire que pour mieux prévenir la corruption, il faut qu’il y ait un régulateur. L’O.H.A.D. A peut en assurer. Sur base de l’article 27 du traité, la Conférence des Chefs d’Etat et des Gouvernements peut instituer un organe à l’image de l’Agence Française Anti-Corruption, A.F.A, qui sera chargée de réguler les entreprises O.H.A.D.A confrontées au risque de corruption en les aidant et en contrôlant l’existence et l’efficacité des mesures préventives. Cette institution pourra soit avoir des antennes au sein de chaque Etat membre à l’image des commissions nationales O.H.A.D.A qui accompagnent le secrétariat permanant dans le déploiement des normes O.H.A.D.A au sein des Etats membres, soit coopérer avec des organes nationaux de lutte contre la corruption. Les règles de conformité nécessitent également des obligations de transmission des informations et des interdictions. Il est donc utile que le régulateur produise des lignes de comportement. A cet effet, une hypothèse ambitieuse est l’adoption d’un acte uniforme sur l’éthique des affaires. Cet acte, outre les règles de conformité luttant contre la corruption, pourra également intégrer l’outil de devoir de vigilance.[63]

Pour les règles de conformité de prévention et lutte contre la corruption, à l’image du droit français[64],  le législateur O.H.A.D.A pourra introduire des règles qui reposeront sur trois premier pilier : premièrement, un engagement de l’instance dirigeante en faveur d’un exercice des missions, compétences ou activités de l’organisation exempt d’atteintes à la probité, ce qui suppose de sa part ; deuxièmement la connaissance des risques d’atteintes à la probité auxquels l’entité est exposée, à travers l’élaboration d’une cartographie de ses risques et enfin la gestion de ces risques, à travers la mise en œuvre de mesures et procédures efficaces tendant à leur prévention, à la détection d’éventuels comportements ou situations contraires au code de conduite ou susceptibles de constituer des atteintes à la probité et à la sanction de celles-ci. Cette gestion comprend également le contrôle et l’évaluation de l’efficacité desdites mesures et procédures. Ces dernières permettront à l’entité d’acquérir une assurance raisonnable que le risque d’atteintes à la probité est maîtrisé.

Ce qui revient à dire que ces mesures étant destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption et de trafic d’influence, elles peuvent se résumer en la mise en place obligatoire au sein d’une entreprise d’un code de conduite (ou d’une charte éthique)[65], un dispositif d’alerte interne, une cartographie des risques, des procédures d’évaluation des tiers, des procédures de contrôles comptables, un dispositif de formation, un régime disciplinaire, un dispositif de contrôle et d’évaluation interne de ces mesures.  Le contrôle de l’organe régulateur donnera lieu à l’établissement d’un rapport transmis aux représentants de l’entité contrôlée et aux autorités qui en sont à l’initiative, le cas échéant. Le non-respect de ces obligations peut conduire au prononcé d’une sanction.

Par ces programmes de conformité anti-corruption, le droit O.H.A.D.A offrira aux entreprises et aux citoyens un environnement sécurisé leur permettant de se développer, car ceux-ci sont un préalable pour des entreprises O.H.A.D.A d’être plus compétitives, novatrices et socialement responsables. Dès lors, l’organisation communautaire pourra contribuer efficacement à la réduction des risques de corruption afin d’atteindre ses objectifs de sécurité juridique des investissements et de croissance économique en Afrique, tout en participant davantage à la concrétisation de l’article 33 de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : « Les Etats Parties institutionnalisent la bonne gouvernance économique et des entreprises grâce, entre autres, à : 6. La répartition équitable de la richesse nationale et des ressources naturelles ; 7. La réduction de la pauvreté ; 8. La mise au point d’un cadre législatif et règlementaire efficace en appui au développement du secteur privé ; 9. La création d’un environnement propice à l’afflux de capitaux étrangers. »

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